Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Patrimoine-de-musique-arabo-andalouse

Cheïkh Raymond Leyris de Constantine

12 Avril 2015 , Rédigé par Abdallah Bouchenak Publié dans #Les grands maîtres de musique arabo andalouse

Cheïkh Raymond Leyris de Constantine

Cheikh Raymond, né Raymond Raoul Leyris le 27 juillet 1912 à Constantine et tué le 22 juin 1961 à Constantine, est un chanteur et oudiste français d'Algérie.

Maître de la musique arabo-andalouse, cet artiste juif chante en arabe1. Il est respecté aussi bien par les Juifs que par les musulmans d'Algérie, qui l'appellent dès le milieu des années 1930 « Cheikh Raymond » en signe de respect2.

Biographie

Fils illégitime d'un commerçant juif3 originaire de Batna et d'une mère chrétienne, il est abandonné par cette dernière, après la mort en 1915 de son père durant la Première Guerre mondiale. Il est adopté par une famille juive très pauvre4,5,6 et élevé dans l'observance hébraïque3.

Il apprend le malouf grâce aux Cheikhs Omar Chaklab et Abdelkrim Bestandji5. Il se produit durant des fêtes familiales, juives ou musulmanes, et dans des concerts ; il bénéficie d'une émission hebdomadaire à la radio et d'une émission régulière à la télévision2. Cheikh Raymond enregistre une trentaine de 33 tours entre 1956 et 1961 en plus de nombreux 78 tours5. Son orchestre compte alors Nathan Bentari, Haïm Benbala, Larbi Belamri, Abdelhak, mais aussi le violoniste Sylvain Ghrenassia et son fils Gaston, guitariste qui épouse plus tard sa fille Suzy et devient célèbre sous le nom d'Enrico Macias6,7.

Il est abattu d'une balle dans la nuque, le 22 juin 1961, au souk El Acer de Constantine7, place Négrier, sous les yeux de sa fille4 Viviane et du jeune Paul Amar :

« Il incarne la société rêvée, où les hommes s'enrichissent de leurs différences. Il s'entête d'ailleurs à donner des concerts, en pleine guerre, et à rassembler les uns et les autres dans une même ferveur. Je vois, enfant, des hommes pleurer, émus et attendris par ses mélopées. Et je pleure aussi, mais pour une autre raison, le jour où cet homme tombe sous mes yeux. Abattu de deux balles en plein jour, place du marché. J'ai dix ans. Je suis à quelques mètres de lui quand les coups de feu sont tirés. Raymond s'écroule et je reste près de lui, figé, tétanisé. Je comprends ce jour là que le monde n'est pas innocent. « Ils » ont tué l'artiste et plus encore « l'homme de paix ». « Ils » rendent dès lors impossible tout espoir de réconciliation. »

— Paul Amar dans Blessures8

Sa mort est perçue comme un avertissement pour la communauté juive constantinoise et marque le début de son émigration4,7. L'assassinat n'a jamais été revendiqué7 et aucun témoignage direct ou indirect ne l'a expliqué3. Selon Bertrand Dicale, biographe de Cheikh Raymond, seule l'ouverture des archives du FLN pourrait l'élucider3.

Héritage

La musique de Cheikh Raymond est préservée grâce à l'action de son fils Jacques Leyris, d'Enrico Macias et du professeur Raphaël Draï9 qui, dans les années 1970, est le premier à faire revivre sa mémoire10. Le musicien et musicologue Taoufik Bestandji, petit-fils du Cheikh Abdelkrim Bestandji, a par ailleurs étudié ses enregistrements conservés par son père9.

En 1999, Enrico Macias lui rend hommage sur scène3, au Centre culturel algérien de Paris et au Printemps de Bourges, avec un orchestre mené par Bestandji11. La même année, Denis Amar l'évoque dans le documentaire Dans le monde pied-noir12, notamment à travers le témoignage de ses filles racontant la disparition de leur père ; Enrico Macias y décrit également son adolescence au sein de son orchestre10. En 2004, il lui consacre un album hommage7.

En 2011, Bertrand Dicale publie une biographie de Cheikh Raymond, complétée par une anthologie de ses morceaux sortie par Universal7,1, le principal enregistrement disponible jusque-là étant celui d'un concert donné en 1954 à l'Université populaire de Constantine, sorti en 1994 sur le label Al Sur3.

Références

  1. a et b Cheikh Raymond - Une histoire algérienne par Bertrand Dicale (Centre français des musiques juives) [archive]
  2. a et b François Bensignor, « Cheikh Raymond Leyris : la renaissance d'un maître du malouf », Hommes et migrations, no 1185, mars 1995, p. 58-59 [archive]
  3. a, b, c, d, e et f François-Xavier Gomez, « Cheikh Raymond, Constantine noble », Next Libération, 17 octobre 2011 [archive]
  4. a, b et c Jean-Luc Allouche, « Dans un nouveau CD resurgit la magie du chanteur algérien assassiné en 1961. Raymond, chœur de Constantine », Libération, 14 juillet 1998 [archive]
  5. a, b et c Rabah Mezouane, « Un livre sur Cheikh Raymond », Mondomix, 20 novembre 2011 [archive]
  6. a et b [PDF] Biographie de Cheikh Raymond Leyris (Hall de la Chanson) [archive]
  7. a, b, c, d, e et f Francis Dordor, « Cheikh Raymond : tragique et magique », Les Inrocks, 16 mars 2012 [archive]
  8. Paul Amar, Blessures, Paris, Tallandier,‎ 2014, 287 p. (ISBN 9791021006652)
  9. a et b Bruno Étienne et Raphaël Draï, « Le non-voyage d'Enrico Macias en Algérie », La pensée de midi, no 2009/4 (hors série), 2009, p. 115-122 [archive]
  10. a et b Abdi Nidam, « Cheikh Raymond, le martyr du Maalouf. L'assassinat du chanteur constantinois en 1961 évoqué par ses proches », Libération, 5 février 2000 [archive]
  11. Hélène Hazera et Jean-Luc Allouche, « Musique. Le Centre culturel algérien rendait hommage au maître du malouf. Cheikh Raymond, mémoire d'Algérie », Libération, 19 mars 1999 [archive]
  12. « Dans le monde pied-noir », film de Denis Amar, Image et Compagnie, Boulogne-Billancourt, 1999

Bibliographie

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article