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Patrimoine-de-musique-arabo-andalouse

Cheïkh Mustapha Belkhodja de Tlemcen

11 Avril 2015 , Rédigé par Abdallah Bouchenak Publié dans #Les grands maîtres de musique arabo andalouse

Cheïkh Mustapha Belkhodja de Tlemcen

Cheïkh Mustapha Belkhodja, le «sultan» du rebab
par Allal Bekkai

C'est avec le soutien majeur de l'APC d'Oran et le précieux parrainage d'un groupe de sponsors que l'association culturelle «Mustapha Belkhodja» offre un concert de musique andalouse ce jeudi à la salle «Es-Saâda» (ex-Colisée), à l'occasion de son 10ème anniversaire.

Cette association qui émane et tire son nom de l'orchestre dit du lycée Dr Benzerdjeb de Tlemcen créé en 1970, sous la direction de Hadj Ben kalfate, prendra en 1975, abstraction faite d'un lien de parenté avéré caractérisé par une mélomanie cultivée, le nom du grand virtuose du rebab dont le coup d'archet a laissé auprès de nombreux mélomanes un souvenir impérissable.

Installée à Oran, l'association musicale «Mustapha Belkhodja», qui est présidée par Dr Amine Kalfat, mandoliniste hors pair, chirurgien dentiste de son état, et dont l'orchestre est dirigé par son fils, le maestro Mahmoud Rifel, compte en son sein deux fils du cheïkh, Fouzi (au rebab) et Réda(à l'alto).

A ce titre et au-delà de la célébration de la date de sa création, c'est indéniablement un vibrant hommage posthume que l'association rendra à son «parrain» charismatique à la faveur de cette cérémonie.

«C'était un musicien d'un très grand talent qui a ému toute l'Algérie lors du Festival de la musique classique en 1966. Son rebab a fait obtenir à sa troupe (la Slam, n.d.l.r) la médaille d'or du concours. Un grand avenir dans l'art musical national s'ouvrait devant lui mais, hélas, le festival a été son chant de cygne et le rêve est terminé ! C'est ainsi que feu Djelloul Ben Kalfate , président de Gharnata, rendit hommage à celui qui fut le virtuose du rebab, cheïkh Mustapha Belkhodja (in bulletin no7 du Festival national de la musique andalouse, 1981).

Mustapha Belkhodja naquit le 4 août 1917 à Tlemcen au sein d'une famille de mélomanes. Son grand-père paternel, Hadj Mohamed Seghir, décédé en 1907, était, dit-on, un fin archet. Très jeune, Mustapha Belkhodja apprit à jouer de la mandoline. Il s'initia ensuite à la kouitra et au violon alto.

Mais c'est grâce au maître Omar Bekhchi qu'il découvre un instrument traditionnel (monocorde) difficile, le rebab, dans lequel il va exceller et qui va devenir son instrument fétiche. Passionné par la musique andalouse, il crée en 1932, en compagnie de son ami Mohamed Bouali, une association musicale appelée Union et progrès, au sein de laquelle enseignait cheikh Abdelhamid Bendimered.

En 1934, Mustapha Belkhodja va fonder, avec Mohamed Bouali, Anouar Soulimane, Hocine Damerdji et Mohamed Hadj Slimane la Société littéraire, artistique et musicale (Slam), dont cheikh Omar Bekhchi et cheikh Kazi Aouel Ghaouti figureront parmi les premiers professeurs.

En 1940, il passe avec succès les épreuves du baccalauréat et s'inscrit à la faculté de médecine de Montpellier. Au bout de deux années, il rentre en Algérie et se retrouve étudiant à la faculté de pharmacie d'Alger. C'est durant cette période qu'il fit la rencontre des grands maîtres de la sanaâ d'Alger, tels que cheïkh Mahieddine Lakehal, les Frères Fekhardji, Abderrahmane Belhocine, Dahmane Benachour, Youcef Khodja... Plusieurs morceaux de la sanaâ sont ainsi insérés, grâce à eux, dans le répertoire tlemcénien et vice-versa.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il rentre à Tlemcen où il devient instituteur. Il renoue alors avec ses anciens camarades. En 1946, la Slam donne un concert de musique andalouse qui sera sous la direction de Mustapha Belkhodja, retransmis en direct par Radio-Alger à parir de Dar El-Assakri de Tlemcen. C'est à cette occasion que le défunt maestro jouera au violon alto le motif musical du haoufi culte «Tlemçan ya-l-alya» qui sera adopté comme indicatif (jingle) de Radio-Tlemcen. A partir de cette date, Mustapha Belkhodja est pratiquement présent à tous les concerts radiophoniques donnés par cheïkh Larbi Bensari de 1948 à 1962. Il lui arrivait aussi d'accompagner au violon alto le cheïkh lors des fêtes familiales.

Après l'indépendance, il reprend ses activités au cercle des jeunes Algériens, pour créer, en 1964, une association appelée Gharnata en compagnie de son ami cheïkh Mohamed Bouali.

Ce n'est qu'en 1966, avec la reprise des activités de la Slam, qu'il consacre tous ses efforts, avec une participation «exceptionnelle» au 1er Festival national de la musique andalouse, couronnée par une médaille d'or (décernée à la Slam). Il joue à cette occasion en solo, avec son rebab, pardon ses doigts magiques, une grande partie de la «touchiat kamal hsine», un véritable morceau d'anthologie. Il est alors surnommé «le sultan du rebab», à qui Djelloul Benkalfate dédia à ce titre cet insigne panégyrique: «Sur le fond musical constitué par le bourdonnement des luths et des mandoles et par les coups sourds de la percussion, la voix du rebab s'élevait grave, rauque, étouffée, nostalgique, enivrante. Les doigts de Mustapha Belkhodja s'élevaient, s'abaissaient, tremblaient, allant de ci, de là, cherchant sur la longue corde de l'instrument la place exacte, et combien précise et précieuse de la note caressante, éthérée, confidentielle que l'âme attend. La mélodie se développe, passionnante, envoûtante, écoutée avec avidité, évoquant toute l'âme de l'Andalousie. Les yeux étaient fixés sur l'exécutant, le prêtre qui officiait, qui dédiait sa mélodie, venue du fond des âges, à la vie qui passe, aux joies éphémères d'ici-bas, au mythe du bonheur, toujours poursuivi et jamais atteint. Le miracle des doigts magiques qui caressaient la corde pour en tirer les accents déchirants qui ensorcellent l'âme est terminé. La main, animatrice miraculeuse de la matière est elle-même devenue matière et ne parlera plus. Ainsi en a décidé le sort...». Fin de citation. Ce «sort» qui fit que le rebab du cheïkh se confondait comme par enchantement, tel un sortilège, avec son corps à l'exemple du nay (flûte persane) «possédé» par le mawlawi (soufi) lors de l'exécution du «samaâ», formant ainsi «l'homme parfait».On notera à ce titre que les Cheïkhs Omar Bekhchi (1884-1958), Larbi Bensari (1872-1964) et Mustapha Belkhodja (1917-1968) représentaient les trois figures emblématiques du rebab. Un trio indétrônable, inégalable.

Quelques semaines plus tard (après le fameux Festival de 1966), il aiguise les cordes de son rebab, en Tunisie, où il fut chaleureusement applaudi. Mustapha Belkhodja tire sa révérence à l'âge de 51 ans, le 20 juillet 1968, à Alger, après une soirée vécue avec ses amis, à la piscine El-Kettani. Il a laissé quatre fils, dont trois sont des musiciens accomplis. Ne dit-on pas qu'on reconnaît l'arbre à ses fruits ? «M'nayen dek el f'riya' qalou m'dik es djira». L'Académie arabe de musique le distingue honorablement le 3 mai 2001, à l'occasion de la 16ème édition de son congrès qui s'est tenu à Alger. A souligner que l'ombre de Mustapha Belkhodja planait à travers son instrument fétiche sur le festival de la musique andalouse et classique d'Alger (2007) d'autant que son commissaire, en l'occurrence Rachid Guerbas, joue par ailleurs du rebab en qualité de chef de l'orchestre national de musique andalouse. Il convient enfin d'indiquer qu'une troupe musicale tunisienne porte le nom «Rebab», accompagné d'un ballet dirigé par Sihem Belkhodja.

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